La pédophilie en question (texte intégral) – III-09 h
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Une des objections habituelles contre la pédophilie dit qu’un enfant ne possède pas encore la maturité nécessaire pour la vie sexuelle.
Est-ce vrai ? Il n’est pas possible de répondre « oui » ou « non », parce que tout dépend de la question : de quelle sorte de sexualité s’agit-il ? Il y a des activités, des expressions de sexualité bien différentes, et elles ne sont pas toutes adaptées à tous les âges de l’homme.
Jos van Ussel, le grand sexologue belge, décédé à un moment où l’on pouvait encore beaucoup espérer de lui, disait avec une grande perspicacité : « Un enfant est mûr pour la sexualité dès sa naissance, mais ce n’est que plus tard (dans la puberté) qu’il devient mûr pour la procréation. »
La procréation étant l’un des buts de la sexualité, il est entendu que l’enfant impubère ne possède pas encore la capacité pour cette forme de sexualité. Et même, plus tard, quand les conditions physiques permettant d’engendrer un enfant seront remplies, durant les longues années de l’adolescence, la jeunesse devra s’abstenir encore des activités fertilisantes. Primo, parce qu’elle est elle-même trop infantile pour fournir à un petit la protection et les soins dont il a besoin. Secundo, parce que, presque toujours, les moyens pécuniaires pour alimenter une famille lui manqueront aussi.
Cependant, la procréation n’est qu’un des usages de la sexualité, et il serait d’un matérialisme grossier de ne la limiter qu’à cela. La sexualité sert aussi à l’expression de l’amour, de l’affection, des sentiments de tendresse. L’enfant est-il capable de l’éprouver de cette façon ? Pas immédiatement, bien sûr, car cela demande une certaine expérience et une possibilité de réflexion sur cette expérience. Qui dira combien de temps il faut à un bébé avant qu’il comprenne que les caresses, les doux mots, les sourires que lui prodigue sa mère, sont un témoignage de l’affection maternelle ? Qu’il est aimé par un être distinct de lui ? Même quand cette signification des caresses lui est devenue évidente, il est encore bien éloigné d’entrevoir la possibilité d’une réciprocité : son esprit devra mûrir beaucoup avant que ne lui vienne l’idée d’exprimer lui-même, consciemment, ses sentiments d’amour par une caresse, un attouchement, un baiser, une pression de corps à corps. Un psychologue m’a affirmé qu’un enfant ne devine cela que vers l’âge de cinq ans. À partir de cet âge, donc, commence l’évolution de la sexualité comme expression d’amour. À son début, cette sexualité se limitera encore aux pincements affectueux, aux caresses avec la main, aux « bises » tendres, mais beaucoup de petits garçons montrent déjà par une érection la nature nettement sexuelle de ces gentillesses.
Pourtant, la tendresse n’épuise pas les possibilités de la sexualité. Il y a un troisième usage, après la procréation, après l’amour. C’est même le plus simple, le plus primitif et sans doute le plus fréquent : l’expérience du plaisir, de la jouissance. La condamner comme infra-humaine, bestiale, parce que les animaux la cherchent également, me semble une hypocrisie, qui manque en plus de logique. Car, si nous reniflons l’odeur d’une rose, si nous mangeons des friandises, seulement à cause de leur goût et non poussés par la faim, si nous buvons une liqueur sans avoir soif, si nous caressons un chat parce que son pelage flatte notre toucher, si nous écoutons une musique parce qu’elle nous plaît, si nous regardons un tableau abstrait parce que les couleurs sont si jolies, nous employons nos sens exclusivement pour notre plaisir. Et s’il y a un Créateur aimant les hommes et désirant leur bonheur, c’est lui qui a ajouté à l’utilité des sens cette capacité d’une jouissance sensuelle. Elle embellit la vie, nous fait heureux, nous donne du courage et de l’énergie. Le plaisir sexuel n’est pas quelque chose à part, il a un but identique et possède en conséquence déjà une fertilité en soi.
Le bébé cherche cette jouissance immédiatement après son entrée au monde. Il aime à se nourrir, mais il y a des nourritures qu’il préfère. Il y a des bruits qui lui plaisent et d’autres qui le font pleurer. Il commence aussi à faire la découverte de son propre corps, et souvent le petit garçon s’aperçoit bientôt du plaisir spécial que lui fournit l’attouchement de ses organes génitaux. La masturbation des bébés, fait connu, est bien naturelle et n’a rien d’inquiétant. L’organe répond par une érection et ce n’est pas rare que l’on observe de véritables spasmes de jouissance, un orgasme.
Rien d’inquiétant. Au contraire ! Le psychologue R. A. Spitz, en faisant une étude approfondie de ce phénomène dans la première année de la vie, a constaté une corrélation entre les jeux masturbatoires du bébé et ses relations avec sa mère. Là où la relation entre mère et fils était optimale, tous les bébés se masturbaient. Là où cette relation était problématique, le jeu génital se montrait moins souvent. Là où une telle relation était absente, la masturbation infantile l’était aussi. Spitz en tira la conclusion qu’une mère devrait se réjouir plus des jeux sexuels de son enfant que de son premier sourire, ces jeux étant la preuve d’une évolution excellente (Prof. Kentler « Sexualerziehung »).
Tandis que l’enfant aura donc accès à cette troisième forme de sexualité dès sa naissance, il y en a encore une quatrième, presque oubliée par notre culture moderne, mais très répandue dans l’Antiquité et encore aujourd’hui parmi les Hindous et les peuples que nous appelons primitifs. C’est l’union impersonnelle avec les forces de la nature, avec la création universelle et même, de façon mystique, avec le Dieu créateur. Au moment de l’extase, l’homme se sent presque divin, parce qu’élevé dans la joie créative. Les Grecs de l’Antiquité ont cherché cette sublimation dans les mystères dionysiaques, dans l’orgie rituelle. Les Hindous la cherchent dans la sagesse du Tantra. Les primitifs la cherchent dans leurs danses rituelles. Selon les psychologues, l’être humain serait particulièrement accessible à cette « expérience océanique » (comme l’appelait Freud) dans les phases de transition, dont la puberté est la plus importante. C’est pourquoi, fréquemment, le garçon en puberté peut sentir spontanément un besoin urgent de se masturber, tout seul dans la splendeur d’une forêt un jour d’été, tout seul devant le spectacle impressionnant de la mer. Par la libération de sa semence, il s’unit à la nature.
Résumons donc. À quel âge peut-on considérer la jeunesse assez mûre pour participer à la vie sexuelle ? Pour la procréation, ce ne sera pas avant d’avoir atteint la situation d’un adulte. Pour la sexualité mystique, on doit attendre en général la puberté. L’expression de l’amour et de la tendresse commencera son évolution, parcourant maintes étapes, à partir d’environ cinq ans. Et pour le plaisir pur, l’être humain est prêt dès sa naissance.
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Voir aussi
Source
- Joseph Doucé, La pédophilie en question, Paris, Lumière & Justice, 1988, p. 97-100.
