La pédophilie en question (texte intégral) – III-06 e
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À Groningen, ville au nord des Pays-Bas, le groupe d’action pédophile s’est lié au C.O.C., organisation des homophiles. Un soir, en 1983, on m’y a invité pour prendre part à une discussion sur la situation légale de la pédophilie, avec M. Meijers, Premier Procureur de la Reine à Assen, et sous la présidence du Pasteur Klamer, directeur du service radiophonique des Églises protestantes. J’ai donné suite à cette invitation avec beaucoup de plaisir car, malgré une différence compréhensible dans notre façon d’aborder le sujet, les pensées du magistrat et les miennes étaient assez semblables.
À la fin, les auditeurs, à leur tour, purent prendre la parole, et alors se produisit une scène qui me parut magnifique. Deux des interlocuteurs — des jeunes hommes d’environ vingt-cinq ans tous les deux — parlèrent franchement et avec une émotion visible de leurs relations amoureuses avec un enfant, en chaque cas un garçon de onze ans. Je les ai écoutés avec un plaisir que je réussis à dissimuler, mais qui fut tout de même énorme. Parce que là, devant moi, on put voir deux « criminels » avouant sans le moindre souci, et en présence de nombreux témoins, à un procureur de la Reine de s’être rendus coupables — et à plusieurs reprises — d’un délit (article 247 du Code pénal néerlandais). Insouciants ? Oui, et à juste titre d’ailleurs, parce que le magistrat n’avait évidemment point l’intention de s’occuper professionnellement de leurs délits.
Cette situation, qui peut paraître assez extraordinaire à un étranger, n’est pas tellement étonnante pour les habitants de nos plaines. Cette même année 1983, j’ai dû me présenter comme témoin-expert devant la Cour d’appel d’Amsterdam. L’accusé, un homme d’une trentaine d’années, avait reconnu ses contacts sexuels, nombreux, avec trois garçons de dix et onze ans. Les faits démontraient d’ailleurs que ses petits amis l’avaient aimé et qu’ils s’étaient rendus souvent et de bon gré chez lui. Dans la sentence du tribunal, dont il se pourvut en appel, l’homme fut condamné à trois semaines de prison avec sursis. Le procureur général, dans son réquisitoire, demanda l’annulation de cette sentence parce que, selon lui, des hommes comme l’accusé ne méritent nullement d’être emprisonnés. La peine de prison dans ce cas étant injuste, il serait également injuste de la nantir du sursis. Une amende pouvait suffire. La Cour d’appel suivit l’opinion du procureur général et imposa une amende assez modérée.
Pendant une série de conférences sur la pédophilie que je fis en plusieurs villes des États-Unis, j’ai vu mes auditeurs bouches bées en entendant ces histoires. Dans ce grand pays, la police et les magistrats du ministère public, souvent trop lâches ou peu capables d’entamer la lutte dangereuse contre le crime organisé, s’efforcent de montrer une bonne image d’eux-mêmes devant l’opinion publique en arrêtant des pédophiles. Les pédophiles, étiquetés comme violeurs d’enfants, sont également détestés par la majorité de leurs concitoyens, et ils sont, de plus, des victimes de choix parce qu’ils ne tirent pas sur les policiers et se laissent rouer de coups impunément. Les hommes qui gagnent leur pain en les persécutant ont l’habitude de raconter, après chaque arrestation, des histoires fantastiques sur la découverte d’une organisation secrète, et de préférence internationale, pour la traite des enfants. Les jeunes victimes auraient eu à poser pour des photos et des films pornographiques, et seraient incitées à se prostituer. Une investigation plus approfondie ne laisse rien subsister de toutes ces fictions, mais les journalistes — en connaissance de leur public — ne prennent pas la peine de corriger les fables débitées. La France a connu son affaire du « Coral ». Les exemples se répètent aux États-Unis.
Une commission officielle de l’État d’Illinois — nullement inspiré de bienveillance envers la pédophilie — a entrepris des recherches méticuleuses concernant les articles, tenacement repris dans la presse, sur le nombre de 300 000 garçons qui se prostitueraient dans les villes américaines, sur les milliers de dollars gagnés par les commerçants de « kiddie porn », sur les sociétés secrètes où l’on ferait l’échange des enfants afin de les vendre et de les violer, etc. La commission n’a pas réussi à vérifier un seul de ces récits ; au contraire, elle a pu prouver leur caractère mensonger. Cependant, cela n’empêche ni la presse, ni même des auteurs de livres soi-disant scientifiques de continuer à les répéter.
Rien ne paraît trop extravagant dans cette « noble lutte des protecteurs de l’enfance ». Un père, très bouleversé lui-même du fait d’avoir commis un acte incestueux avec sa fille, consulta un psychologue et lui demanda comment prévenir une récidive. Ce spécialiste, conformément à l’obligation à lui imposée par une loi de l’État de Californie, rapporta les faits à la police. Arrestation du père et de la fille. Celle-ci, douze ans, refuse obstinément de témoigner contre son père. Pendant une semaine entière, on la soumet à une incarcération solitaire afin de la faire parler. Elle ne se rend pas et reste muette. Alors, fin des poursuites contre le père, faute de preuve. Mais la fille courageuse est éloignée de sa famille et internée dans un institut d’éducation pour les jeunes délinquantes afin de la punir pour son « mépris du tribunal ». Protection de l’enfance !
Le détective Lloyd Martin, pendant longtemps un des chefs à la brigade des mœurs de la police de Los Angeles (jusqu’au moment où il fut congédié pour des abus financiers), déclara maintes fois que la pédophilie était pire qu’un meurtre. Tuer un enfant, cela ne prend que cinq minutes, mais la victime d’un pédophile en souffre pour le reste de sa vie. Dans son zèle de policier, il a même tenu un garçon, qui refusait de trahir son grand ami, suspendu par les pieds au-dessus d’un abîme jusqu’à ce que le gamin, dans son angoisse mortelle, vide son sac. Un de ses collègues, dans une conférence à une réunion de parents, se plaignit : « Oui, ces garçons sont souvent énormément durcis. Il nous faut parfois les casser » — we have to crack them — « et c’est une tâche difficile. » Une abondante littérature sur les préjudices infligés aux enfants par des interrogatoires — même ceux effectués par des policiers gentils et pleins de délicatesse — ne sera pas familière à de tels parents. Tout de même, il est étonnant de les voir tellement dociles quand il s’agit de faire « casser » leur fils par des « serviteurs de la justice » si dépourvus de scrupules. Protection de l’enfance !
Je parle des États-Unis. Est-ce que la situation en Europe serait tellement meilleure ? Après donc ces quelques exemples de la situation lamentable des pédophiles (et bien sûr aussi des enfants qu’ils aiment), en contraste évident, et pour démontrer qu’une attitude profondément différente peut être adoptée par des magistrats capables et intelligents, ayant la volonté d’étudier les faits et la littérature spécialisée, avec un esprit ouvert aux arguments sérieux, je vais rapporter un cas, en Hollande, dans lequel je fus convoqué à titre de témoin-expert.
Un accusé, environ cinquante ans, fut jugé en avril 1983 pour avoir eu des contacts sexuels avec un garçon de dix ans, entièrement consentant. Pendant cette séance du tribunal, le procureur de la Reine déclara qu’elle estimait la limite d’âge du Code pénal (seize ans) désuète, et qu’elle n’entamait plus de poursuites dans les cas où il n’y a ni violence, ni menace, ni abus d’autorité et où l’enfant a au moins douze ans. En entendant cela, l’accusé donna aux juges sa promesse solennelle de se borner dorénavant aux garçon de douze ans ou plus. Après quoi, le tribunal le condamna à une peine de trois mois avec sursis.
Un mois après, en mai, la police apprend que l’accusé non seulement entretenait, au moment de cette promesse, des relations avec un garçon de sept ans, mais — plus grand scandale encore ! — qu’il les a maintenues après. L’homme est donc arrêté et écroué à la maison d’arrêt. Deux mois plus tard, le 21 juillet 1983, il comparaît de nouveau devant les mêmes juges qui, cela se laisse entendre, ne sont pas trop bienveillants après cette violation de sa promesse.
En témoin-expert, je présente un aperçu des recherches scientifiques récentes montrant à l’unanimité que les contacts sexuels avec un adulte ne sont nullement nuisibles pour un enfant à n’importe quel âge à condition que celui-ci se sente entièrement libre dans cette relation. Madame le procureur m’attaque : elle a parlé avec plusieurs psychologues et psychiatres d’enfants, qui tous avaient des opinions bien plus sombres sur l’influence de ces faits. « Cela ne me surprend nullement », est ma réplique. « Si vous demandez à un médecin d’hôpital : La grippe est-elle une maladie grave ? Il vous dira : Bien sûr, chaque semaine, nous en voyons mourir une ou deux personnes ici. Il n’y a pas de doute que des enfants peuvent être traumatisés, même gravement, par les approches sexuelles d’un adulte. Ce sont les cas où celui-ci a employé la violence, la contrainte ou, pire encore, a tyrannisé l’enfant en raison de son autorité jusqu’à lui faire donner son consentement malgré lui et à contre-cœur. L’exemple classique de cette situation fournit maints cas (pas tous !) d’inceste père/fille. Les psychologues et les psychiatres ne voient dans leurs cliniques que ces victimes traumatisées. Ils ont tort, cependant, de généraliser ces impressions tristes puisqu’ils ne sont pas consultés par la grande majorité des enfants ayant eu de telles expériences en ne se sentant nullement troublés, ou en étant même tout à fait contents. N’oublions surtout pas que 25 à 35 % des enfants ont de telles rencontres sexuelles avec un adulte ! Et ce sont de ces enfants (un ou une sur trois ou quatre) qui ont fait l’objet des recherches que j’ai récapitulées pour vous. »
Le procureur de la Reine insista : « Mais un petit enfant de sept ans, comme dans l’affaire présente, est complètement dominé et manipulé par un adulte de trente ans. Je veux le protéger contre cela. »
« Qu’en pensez-vous ? » me demanda le président du tribunal.
« Je suis parfaitement d’accord avec Madame le procureur », répondis-je, « qu’un enfant si jeune sera dominé et manipulé quand il est confronté avec un adulte. En fait, un enfant de sept ans est dominé et manipulé par tous les adultes autour de lui, dès le matin quand il se lève jusqu’au soir où il se couche : on l’envoie à l’école contre son gré ; on lui prescrit quand et comment il doit s’habiller, ce qu’il doit manger et comment il doit le manger, comment il doit se comporter, qu’il lui faut se laver les mains, se brosser les dents ; il doit jouer et terminer ses jeux à commande, il doit prier, être poli, etc. Tout le monde accepte cela, personne n’y voit rien de contraire à une bonne pédagogie. Soudain, cependant, dès qu’il est question de sexualité, on est gravement scandalisé. Pourquoi ? Je ne crois pas que l’on doive mettre la sexualité tellement à part. Dans cette affaire, j’ai vu au dossier une lettre adressée par la mère du petit Jacques à l’accusé durant le séjour de celui-ci à la maison d’arrêt. Elle dit : « Jacques me demande chaque jour quand tu reviendras. Pour lui cacher le fait que tu te trouves en prison, je lui ai dit que tu es malade et que tu dois rester dans un hôpital. » Ce désir insistant du petit Jacques à revoir l’accusé me prouve que cet enfant ne se sentait nullement dominé et manipulé contre son gré. Évidemment, dans leurs contacts sexuels, l’enfant aurait pu refuser de faire ou de laisser faire quelque chose qui lui aurait répugné. C’est la situation habituelle : pour la plupart des pédophiles, le refus de l’enfant est décisif ; on ne fait que ce qui plaît à l’enfant. Dans ses activités sexuelles, donc, l’enfant se sentira plus libre, moins dominé, que dans toutes ses autres occupations. Et encore, c’est ce sentiment de liberté ou de contrainte qui décide sur l’innocuité ou la nocivité des faits. »
Le procureur déplora que la loi ne lui octroyait d’autres armes que la peine de prison, estimée par elle bien inefficace et inutile, mais néanmoins la seule possible. Elle demanda une sentence de quatre mois et, en plus, l’exécution de la peine antérieure de trois mois avec sursis. Le tribunal ne la suivit pas et condamna l’accusé à une peine de deux mois, diminuée des deux mois qu’il avait déjà passés en prison, refusa l’exécution de la peine infligée en avril et remit l’accusé immédiatement en liberté.
Après cette présentation de quelques exemples de la jurisprudence actuelle aux Pays-Bas envers les pédophiles, je ne saurais expliquer pourquoi l’attitude de tant de policiers (pas tous !), de tant de procureurs de la Reine (pas tous !), de tant de juges (pas tous !) dans ce pays diffère tellement de celle que l’on constate dans les pays qui l’entourent. Pourquoi une information scientifique a-t-elle réussi à disperser ici les préjugés restés ailleurs ? C’est une énigme, vu qu’également en allemand, en anglais, en français, des livres et des articles excellents ont été publiés à ce sujet.
Aux Pays-Bas, la pédophilie est présentée objectivement durant les cours d’instruction de la police. Là, et dans les universités, on fait des efforts pour en finir avec les préjugés.
Particulièrement, dans cette région des Pays-Bas qui strictement s’appelle la Hollande (la région des grandes villes comme Amsterdam, Haarlem, La Haye et Rotterdam), le nombre des cas dans lesquels le ministère public renonce à entamer des poursuites est élevé, même quand sont concernés des enfants loin de la puberté. La seule condition est le plein consentement de l’enfant et l’absence absolue de violence, de menaces et d’abus d’autorité. En 1968, encore pas moins de 707 personnes furent condamnées pour infraction à l’article relatif du Code pénal (fixant l’âge minimum à seize ans), tandis que le procureur renonça à la poursuite en 597 cas. En 1981, ces chiffres étaient respectivement de 117 et 318. Ce qui n’indique pas seulement une attitude plus clémente du ministère public, mais démontre en même temps une réduction frappante du zèle d’investigation de la police : 1 304 affaires rapportées en 1968, 435 en 1981.
Évidemment, la prudence du ministère public a influencé la police : pourquoi entamer des recherches et dresser des procès-verbaux si le procureur ne donne pas suite et renvoie le suspect sans rien faire ? En pratique, donc, si personne ne porte plainte, la police ne s’occupe plus du tout de cette sorte d’infraction. En plus, dans les grandes villes, elle a pris la louable habitude de convoquer les parents avant de donner suite à une plainte, afin de leur expliquer comment leur enfant risque d’être traumatisé bien plus profondément par les interrogatoires auxquels on devra le soumettre que par une activité sexuelle consentie. La majorité des parents se rangent à cet avis et, bien entendu, retirent alors leur plainte ou demandent à la police de cesser toute poursuite, ce qui met fin à l’affaire.
Même si la police porte l’accusation à la connaissance du procureur de la Reine, celui-ci — comme nous l’avons vu — refuse souvent de continuer la poursuite. Il se contente d’une conversation d’admonestation avec l’accusé ; quelquefois il lui pose des conditions. Calculé pour le pays entier, en moyenne 73 % des affaires finissent de cette façon. Cependant, ce pourcentage varie considérablement selon les différents districts, ce qui constitue un arbitraire choquant !
Dans le petit nombre des affaires qui sont portées à la connaissance du juge, celui-ci pourra infliger, selon les dispositions du Code pénal, une peine dont le maximum est fixé à six ans de prison. En réalité, des peines sans sursis sont rares et leur durée reste limitée à quelques mois ou même semaines. Une peine comme celle imposée à un de mes correspondants américains serait, heureusement, impensable : ce malheureux trouvé coupable d’avoir sucé vingt-deux fois le membre d’un garçon de quatorze ans (entièrement consentant parce qu’amoureux de cet homme !), fut condamné à vie vingt-deux fois… La formule semble ridicule, mais elle veut dire que, même si à quelque occasion cet homme était gracié par le gouverneur, il lui resterait encore vingt et une fois à subir cette peine !
Nous ne connaissons pas d’affaires semblables en Europe occidentale. Mais cela n’implique nullement que le sort des pédophiles y soit enviable. Ce sont surtout les plus courageux, les impénitents, qui excitent la fureur et l’indignation de la police et des magistrats : ceux qui sont convaincus que les lois en question sont injustes et qui, franchement, énoncent cette opinion.
L’attitude des magistrats, néanmoins, manque de logique. C’est leur devoir de protéger la société humaine. Or, un homme qui reconnaît consciemment être pédophile et accepte en son for interne ses tentations sexuelles sera mieux capable de les dominer, de les gouverner, de les contrôler, bien plus que celui qui s’efforce de les réprimer, de les repousser, de les rejeter et de les nier à soi-même. Pour ce dernier, il y a le danger imminent qu’un jour ou l’autre cette chaudière sans soupape de sûreté explosera. Une explosion qui peut faire des victimes : un enfant violé, maltraité ou même tué. C’est la société qui en a fait un criminel frustré par ses inhibitions, et donc dangereux. Comparé à lui, le pédophile déclaré, se reconnaissant comme tel, est bien plus acceptable.
Mais, avec un curieux manque de sagesse, les juges en plusieurs pays persistent à infliger des peines plus dures encore aux pédophiles qui ne se cachent pas et ne sont pas honteux de leur amour. En Angleterre, Tom O’Carroll a dû passer deux ans entiers dans une des pires prisons, non pour avoir « importuné » un enfant, mais pour avoir été responsable d’un périodique permettant aux pédophiles de se connaître et d’échanger des lettres. C’était sans doute surtout son livre excellent et réfléchi « Paedophilia — The Radical Case » (Londres, 1980) qui l’avait rendu odieux à ses juges dans un pays où la liberté d’opinion n’existe presque plus quand il s’agit de la pédophilie.
En France, le tribunal de Toulon condamna un homme, pourtant non récidiviste, à une peine de trois ans sans sursis pour avoir été intime avec un jeune ami de quatorze ans et demi, donc seulement six mois au-dessous de l’âge de consentement fixé par le Code pénal. Devant le juge d’instruction, cette soi-disant « victime » avait déclaré : « Il ne s’est rien passé entre nous que je n’aie désiré moi-même. Souvent, c’était moi qui prenais l’initiative. Je l’aime comme un grand frère. » Ces paroles furent citées à la séance du tribunal par le procureur de la République pour noircir l’accusé : selon lui, elles prouvaient à quel degré cet homme avait corrompu et perverti ce garçon.
En Belgique, Claude Drieghe, cinéaste, entretenait des relations sexuelles avec quelques garçons, la plupart de douze à quinze ans, un seul de neuf ans. Tous ces gamins l’aimaient et retournaient librement et de bon gré chez lui. Le tribunal de Bruxelles le condamna à… dix ans de prison, réduits à cinq par la Cour d’appel, à 50 % moins déraisonnable. Drieghe persista à présenter ses activités comme parfaitement justifiables.
La tragédie de Peter Schult occupe encore bien des esprits en Allemagne. Schult était l’auteur d’une autobiographie fascinante : Besuche in Sackgassen (Visite dans les voies sans issue) (München, 1978), dans laquelle il décrit son évolution de membre enthousiaste de la jeunesse hitlérienne jusqu’à sa prise de position anarchiste. Ses intimités avec deux garçons de quatorze ans ont motivé pour le tribunal de Munich la condamnation à une peine de deux ans et six mois. En prison, Schult tomba presque aussitôt gravement malade, mais ni les médecins de la justice, ni les autorités ne furent prêts à reconnaître sa condition physique, qualifiant tenacement ses plaintes comme une tentative d’échapper à l’exécution de sa peine. Son avocat lutta pour lui sans ménager sa fatigue, et, après une bataille acharnée d’un an et demi avec les autorités, obtint enfin le transfert de son client à Berlin. Là, des médecins plus capables ou plus sérieux que leurs collègues de Munich, constatèrent que Schult (cinquante-cinq ans) souffrait d’un cancer des poumons, hélas devenu inopérable à cause du retard ; il ne lui restait qu’un an ou deux à vivre. Deux tiers de sa peine étant purgés, la loi lui permettait de bénéficier de la libération conditionnelle. Mais on lui refusa cette dernière chance avec une argumentation qui est vraiment le comble du cynisme : un homme sachant qu’il doit bientôt mourir est capable des pires excès ; Schult était donc dangereux ! Une pétition adressée au ministre de la Justice, avec un grand nombre de signatures, parmi lesquelles les noms d’un groupe de députés au Parlement Européen à Strasbourg, est restée sans succès. En mars 1984 (sa peine devant se terminer en octobre de la même année), la condition du prisonnier empira visiblement. Voulant éviter le scandale de sa mort en prison, on le transféra dans un hôpital, sans prendre de mesures pour empêcher une évasion. Schult « s’enfuit » et se rendit « au Sud ». C’est là qu’il mourut le 26 avril 1984.
En parlant du sort de Drieghe, du sort de Schult, il faut se rendre bien compte que dans ces deux cas, les juges ont constaté formellement que les actes imputés à l’accusé ne semblaient pas avoir porté le moindre préjudice aux enfants concernés. On peut apprécier avec plaisir, d’une part, que ces juges, évidemment, ne croient plus à cette légende invétérée, selon laquelle la confrontation d’un enfant avec la sexualité lui serait toujours nuisible. On doit constater, d’autre part, que l’intention de la loi pénale n’est jamais la défense de la morale régnante, mais seulement la punition d’activités préjudiciables à la société en général ou aux individus. Quand le juge constate qu’une activité n’a porté aucun préjudice, qu’il n’y a donc aucune victime, il devient en même temps scandaleux d’envoyer l’auteur en prison. Drieghe et Schult sont donc des victimes d’une injustice.
Il faut réhabiliter Schult. Il faut réhabiliter Drieghe.
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Voir aussi
Source
- Joseph Doucé, La pédophilie en question, Paris, Lumière & Justice, 1988, p. 83-91.
Articles connexes
- Code pénal (France)
- Code pénal (Pays-Bas)
- Edward Brongersma
- Institution judiciaire
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